La Poste fait appel après sa condamnation sur le devoir de vigilance

Le groupe La Poste a fait appel de la décision du Tribunal Judiciaire de Paris du 5 décembre qui enjoignait l’employeur public à se conformer au texte de la loi sur le devoir de vigilance de 2017.

Un appel sur bonne décision ?

Le 6 décembre 2023, lendemain du jugement, La Poste communiquait vite sur une « décision équilibrée » en réitérant « son entière adhésion aux valeurs prônées par la loi, et son engagement à continuer à déployer ses meilleurs efforts pour prévenir les atteintes graves aux droits humains, libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi qu’à l’environnement, y compris dans le cadre de ses activités sous-traitées. »

Une procédure de circonstance

On ne peut s’empêcher de remarquer que cet appel du plus important employeur public après l’État intervient dans un contexte particulier, avec une réelle crainte du monde de l’entreprise autour de la loi sur le devoir de vigilance et sa déclinaison en directive européenne. Le gouvernement français, tutelle de La Poste, essaie d’ailleurs de torpiller la directive en demandant l’exclusion de 85% des entreprises de son champ de compétences. Cette démarche s’est faite en contradiction totale avec toutes les demandes issues de la société civile.
Interjeter appel d’un jugement qui enjoignait La Poste à commencer de facto les travaux nous paraît pour le moins maladroit et porteur d’une réelle mauvaise foi. Le groupe, dirigé par Philippe Wahl se fait ainsi le porte-éten- dard des grandes entreprises suite à ce qui est finalement une défaite en première instance, nous réprouvons cette instrumentalisation du groupe public La Poste pour agir contre les intérêts de la société civile.

Deux mois après le jugement, la direction n’avait toujours rien compris

Le 6 février dernier La Poste convoquait la réunion annuelle sur le devoir de vigilance dans les mêmes conditions que les précédentes depuis 2020. Une « commission de dialogue social » se bornant à présenter une série de diapositives sans aucune concertation préalable avec les « parties prenantes » en particulier les organisations syndicales. Devant notre intervention, les représentants de la direction ont dit que la décision du 6 décembre était trop récente et qu’ils n’avaient pas eu les moyens de suivre les préconisations du tribunal. En fait la direction confond la « concertation » avec la « présentation de la concertation » avec les organisations syndicales.

Plus que jamais rester vigilants sur les multinationales

Le timing est pour le moins malheureux pour l’entreprise publique qui vient d’essuyer de lourdes pertes (au moins 300 M€), notamment en raison d’un défaut d’appréciation des risques sur ses investissements perdus en Russie et en Italie où la filiale BRT est sous tutelle de la justice anti-mafia pour délit de marchandage généralisé, comme en France autour de Chronopost ou DPD. Investir aux Emirats Arabes Unis nous pose aussi un problème devant les carences des droits des travailleurs dans cette monarchie.

Le jugement de la chambre sociale du 5 décembre 2023 traçait les contours de ce qu’il convient de faire dans ses attendus. La balle est à nouveau dans le camp de la justice et nous attendons de la cour d’appel qu’elle continue dans cette voie pédagogique.

Au final, Directive Européenne ou pas, la loi sur le devoir de vigilance de 2017 doit s’appliquer intégralement en France, SUD PTT et toutes les « parties prenantes » engagées dans des contentieux sur le sujet doivent s’y employer.

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